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Interview du Professeur Mireille Dosso au journal d’Etat, Fraternité Matin

par Constant Koné

Le Professeur Mireille Dosso, Directeur de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire a accordé une interview au journal Fraternité Matin.

« Nous sommes passés de 10 chercheurs en 2004 à 90 aujourd’hui »

 

 

L’Institut Pasteur que vous dirigez a été créé en 1972 et vous y travaillez depuis 1977.Quelles ont été les différentes étapes de l’évolution de cet institut ?

Effectivement, l’institut a été créé en 1972 par une loi de l’Assemblée nationale. Mais en fouillant les archives, on s’est rendu compte que feu le Président Houphouët Boigny avait pensé créer un institut Pasteur depuis 1962. Soit deux années après les indépendances en raison des épidémies de fièvre jaune qui avait provoqué le transfert de la capitale de Grand-Bassam à Bingerville. Je pense que le Président de l’époque avait d’autres choses à faire mais ça lui tenait à cœur de doter la Côte d’Ivoire d’un Institut Pasteur. Les premiers directeurs étaient des français. Je suis le sixième directeur. Il y a eu deux français et quatre ivoiriens.

Au début, l’Institut avait pour vocation de travailler sur des maladies comme la fièvre jaune qui posait beaucoup de problèmes. Petit à petit, on a diversifié les activités pour atteindre aujourd’hui un certain niveau de développement technologique et scientifique.

A quoi ramène l’expression un certain niveau de développement technologique et scientifique ?

On a pu, grâce à l’appui du gouvernement et des partenaires au développement créer des plateformes technologiques de pointe. Grâce auxquelles nous avons fait face à la pandémie du COVID 19.

Parlant de la COVID 19. A quels moments, pendant les 50 ans d’existence, l’Institut Pasteur a-t-il été fortement sollicité et comment êtes-vous arrivé à bout de ces sollicitations ?

L’Institut Pasteur a été fortement sollicité depuis une dizaine d’années. Il y a eu l’épidémie de la fièvre jaune, les épidémies de Dengue. Il y eu également la grippe pandémique H1N1, la grippe aviaire H5N1, la suspicion d’Ebola, qui heureusement n’a pas atteint la Côte d’Ivoire, enfin la pandémie de la COVID 19. Ces dix dernières années ont été chargées pour l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire.

Comment êtes-vous arrivé à bout de ces différentes sollicitations ?

Nous avons pu faire face à tous ces problèmes grâce au renforcement en équipement de pointe que nous avons reçu. Il fallait faire très rapidement des diagnostiques qui se font par des techniques de biologie moléculaire. Depuis 2010, nous avons installé une plateforme de biologie moléculaire qui nous a permis de faire face à ces différentes épidémies et pandémies.

En 50 ans d’existence, quelle est la situation de l’Institut en chiffre, en termes de personnel, laboratoires et de moyens financiers.

Actuellement nous avons 10 départements divisés en 35 unités et laboratoires spécialisés. En 2004, il y avait 10 chercheurs, nous en avons 90 aujourd’hui. Ça montre l’effort considérable de la fonction publique. Nous sommes 235 personnels, il y a autant de femmes que d’hommes. Dans le cadre de la COVID 19, nous avons fait plus 1.300.000 tests RT PCR, rien que ceux-là, pour le compte des populations.

Au plan financier, le budget n’est pas suffisant, parce qu’il n’a pas suivi l’évolution technologique avec toutes ses contraintes. Dont la maintenance, les contrats etc…En plus du budget de l’Etat, nous avons des projets de recherches qui contribuent à financer, en plus de l’appui des partenaires.

L’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire à quatre vocations : La recherche, la formation, le diagnostic et la surveillance épidémiologique. Comment arrivez-vous à assurer toutes ces missions ?

C’est vrai, nous avons quatre vocations. La recherche est la première, puisque nous avons pour tutelle, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. On exécute une cinquantaine de projets de recherches dans les laboratoires avec 60% des financement internationaux ou sous régionaux. Nous avons un département formation qui accueille environ 300 stagiaires par an. 50% d’entre eux viennent faire des mémoires de Brevet de Technicien Supérieur (BTS). Dans les laboratoires on accueille également des étudiants qui viennent faire leur Phd et Master. Concernant la surveillance épidémiologique, il y a un arrêté interministériel entre le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de la santé, qui attribue les laboratoires nationaux de référence pour les maladies transmissibles qui sont à l’Institut Pasteur. Et qui organisent la collaboration dans la cadre de ces maladies-là, avec le ministère de la santé. Vous avez vu le cas de la COVID 19 et d’Ebola. Le diagnostic, c’est ce que tout le monde connait : les analyses de sang, d’urines, de selles…

Quels types de rapports entretenez-vous avec les autres entités du système sanitaire ivoirien ?

L’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire est un institut national qui est bien intégré dans le système sanitaire, même s’il dépend du ministère de l’enseignement supérieur. Je vous parlais tantôt de l’arrêté ministériel entre les deux ministères. L’Institut est donc bien intégré dans le système de recherche au niveau national. Nous avons donc des rapports très cordiaux et très professionnels avec les différents démembrements du ministère de la santé.

Comment se fait-elle la saisine de l’Institut Pasteur par les structures sanitaires ?

Il existe un système de surveillance nationale qui est piloté par l’Institut National d’Hygiène Publique (INHP). Quel que soit l’endroit où il y a un cas suspect sur le territoire, ce sont eux qui transmettent les échantillons à l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire . Qui analyse et met les résultats à leur disposition. Ce qui leur permet d’organiser la riposte.

A quoi répond la construction du centre d’étude des pathogènes à risques infectieux sévères (CEPRIS) ?

Le principal domaine sur lequel on travaille, ce sont les micros organismes. Que ce soit le diagnostic que la recherche.  Or, certains sont très dangereux.  Pour les manipuler, Il faut des conditions de confinement, de sécurité très particulière.  Ce centre a donc pour objectif de nous offrir toutes les conditions de travail pour la manipulation des micros organismes qui sont hautement pathogènes.

Quelle est la place de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire dans l’espace CEDEAO ?

L’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire héberge depuis 2018, la bio banque régionale des pays de la CEDEAO. Nous sommes chargés de conserver les échantillons ou certains micros organismes pour le compte de la CEDEAO. La deuxième place, l’Institut Pasteur est considéré comme laboratoire de référence pour la Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS). Il y a un certain nombre de laboratoire qui sont des laboratoires de référence pour certaines pathologies comme la polio, la grippe etc…

Vous célébrez du 2 au 6 mai 2023, les 50 ans de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire. De quoi seront meublés les festivités de ce cinquantenaire ?

Nous aurons à peu près une semaine de festivités. Le mardi 2 mai, nous aurons la cérémonie de lancement de ce cinquantenaire, sous la tutelle du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le professeur Adama Diawara, au Palm Club à partir de 16 h. Le mercredi 3 et jeudi 4 mai, nous aurons un colloque scientifique toujours au palm club de Cocody. Le vendredi 5 mai sera consacré aux journées portes ouvertes à Cocody et à Adiopodoumé, pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de venir visiter l’institut Pasteur de Côte d’Ivoire.  Le samedi 6 mai est une journée culturelle et sportive pour l’ensemble du personnel et d’autres structures.

50 ans après, que demandez-vous à l’Etat de Côte d’Ivoire pour la bonne marche de l’Institut Pasteur ?

Avant de demander, je voudrais d’abord dire merci à l’Etat de Côte d’Ivoire, parce que le gouvernement a été vraiment sensible à nos demandes et nos besoins. Je vous ai dit tout à l’heure qu’il y avait 10 chercheurs en 2004 et maintenant nous en avons 90. Cela représente un effort financier important de la part de l’Etat. Ensuite les plateformes technologiques, les nombreux investissements en termes d’infrastructures, de rénovations et de constructions en plus de l’équipement de pointe. On doit dire merci au gouvernement en premier lieu, aux partenaires au développement et tous ceux qui nous ont appuyés. Pendant la COVID-19, nous avons eu un appui multi sectoriels très important. Il est bien évident que nous devons poursuivre notre parcours technologique parce que ça va très vite. On a encore besoin d’appui de tous, pour pouvoir développer d’autres secteurs, notamment les maladies génétiques. Le souci qui est le nôtre, c’est la problématique de la maintenance de ces équipements, qui nécessite un appui financier important.

A quel Institut Pasteur rêvez-vous dans 10 ans, soit 60 ans après son ouverture ?

(Rires). J’espère qu’il va continuer sa progression. Je le souhaite. Je pense qu’avec le nombre de chercheurs qui est là, d’ingénieurs et de techniciens, ils vont poursuivre leur progression.  Il faut que les autorités comprennent que pour maintenir un tel niveau, il faut des appuis financiers importants pour le fonctionnement et l’entretien. Je pense que c’est un institut qui est dans la bonne trajectoire. Nous sommes tenus de poursuivre la vision du Président Houphouët Boigny, qui a pensé très tôt à offrir à la Côte d’Ivoire un institut national.

Qui sont les participants attendus au cinquantenaire ?

Il y a d’abord le personnel, il y a également tous nos partenaires avec qui nous travaillons, les agents de plusieurs ministères et toute la population.

J’invite tout le monde à prendre part aux festivités du cinquantenaire de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire.

Interview réalisée par

Marc Yevou : chef de service société Fraternité Matin

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