Entretien avec le professeur Kakou Solange, directeur de recherche et responsable de la plateforme de biologie moléculaire.
« Comprendre le séquençage moléculaire et le rôle de l’IPCI dans cette démarche scientifique.»
1-Un total de 28 participants, incluant des chercheurs, des doctorants (9), des étudiants de Master 2 (2), de Licence (3) ainsi que des techniciens provenant de l’UNA, de la FHB, de Bouaké, de l’INP-HB, de l’Université de Tunis et de l’Institut Pasteur, a participé à une formation de cinq jours axée sur le séquençage de l’ADN et l’application de techniques innovantes. Quelles ont été les motivations fondamentales à l’origine de cette formation ? Pour les personnes novices dans le domaine, pourriez-vous expliquer ce qu’est le séquençage moléculaire ?
Un total de 28 participants, comprenant des chercheurs, des doctorants (9), des étudiants de Master 2 (2), de Licence (3), ainsi que des techniciens de l’Université Nangui Abrogoua (UNA) , de Félix Houphouët Boigny (UFHB ) , d’Alassane Ouattara de Bouaké (UAO), de l’Institut National Polytechnique Houphouët Boigny , de l’Université de Tunis et de l’Institut Pasteur, ont pris part à une formation de cinq jours axée sur le séquençage de l’ADN et l’application de techniques innovantes. Cette formation répondait à des motivations sous-jacentes, notamment la nécessité de rendre la connaissance accessible et de promouvoir l’innovation technologique et scientifique, afin que les jeunes chercheurs puissent s’approprier ces compétences et les intégrer dans leurs travaux quotidiens.
Dans le cadre de cette formation pratique, le séquençage du MPOX a été réalisé, ce virus étant actuellement en circulation en Côte d’Ivoire et entraînant des cas positifs. Le séquençage de ce virus permet aux étudiants de prendre conscience de sa circulation dans le pays et de déterminer son clade, sa souche, son origine, ainsi que sa branche génomique, leur offrant ainsi une compréhension concrète des enjeux actuels.
Pour les néophytes, le séquençage moléculaire est un outil de diagnostic essentiel qui permet de répondre à de nombreuses questions, notamment l’identité complète d’un microorganisme. Étant donné que l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire se consacre à l’étude des microorganismes, le séquençage permet d’analyser précisément les informations biologiques contenues dans les bactéries, par exemple pour déterminer s’il s’agit d’une nouvelle espèce, ainsi que la présence de gènes de résistance ou de virulence.
Le séquençage fournit une information biologique exhaustive sur les microbes, virus et parasites. Pour un virus, il permet de distinguer une souche connue, une souche mutée, ou un nouveau variant. Bien au-delà de l’indication d’un simple test positif, le séquençage permet de cerner les risques sanitaires potentiels pour la Côte d’Ivoire et la santé publique. Cette identification exhaustive est cruciale, notamment dans le contexte de la surveillance épidémiologique. Par exemple, durant la pandémie, l’émergence de variantes a été détectée grâce au séquençage, ce qui a permis de constater l’apparition de nouveaux virus.
2-En considérant les informations que vous avez fournies, quelle est la contribution du séquençage à l’amélioration de la santé publique en Côte d’Ivoire ?
Le séquençage joue un rôle crucial en permettant d’identifier précisément les souches virales, les parasites et les microbes en circulation, ce qui est essentiel pour prendre des décisions éclairées en matière de santé publique. Il est important de déterminer si un nouveau virus est très contagieux ou si une souche bactérienne est multirésistante. Grâce à ce processus, le système national de surveillance peut mettre en place des réponses appropriées.
La fonction principale du séquençage est de fournir l’identité complète des microorganismes, qu’il s’agisse d’un individu, d’une plante ou d’une cellule, car il donne accès au génome intégral. En connaissant précisément les agents pathogènes présents en Côte d’Ivoire, nous sommes en mesure de transmettre ces informations aux autorités compétentes pour faciliter la prise de décisions adéquates. Si une nouvelle souche pénètre le pays, l’État doit réagir rapidement, ce qui entraîne l’activation des mécanismes de surveillance nationale pour une réponse appropriée.
Ainsi, il est fondamental en Côte d’Ivoire de procéder au séquençage des microorganismes. La détection de nouveaux virus, bactéries ou parasites est essentielle pour évaluer les risques potentiels pour la population, et c’est par le biais du séquençage que nous acquérons de telles informations cruciales.
3- En ce qui concerne la Plateforme de Biologie Moléculaire de l’IPCI que vous avez la charge, quels types d’équipements et de ressources humaines seraient indispensables pour garantir la durabilité de la formation en séquençage moléculaire ?
Pour réaliser le séquençage, nous commençons par l’extraction. L’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire dispose d’un plateau technique adapté, comprenant une salle divisée en plusieurs compartiments, dédiée à l’extraction, ainsi que des équipements spécifiques pour cette étape. Nous possédons également les matériels nécessaires pour la PCR et le séquençage. Tout le flux de travail est disponible à l’Institut Pasteur.
Nous avons des équipements de séquençage de première, deuxième et troisième générations, incluant les technologies Sanger, Illumina et Nanopore Oxford, acquis grâce à des investissements provenant de la Côte d’Ivoire ainsi que de nos partenaires de recherche. Actuellement, nous sommes équipés de séquenceurs de troisième génération, à savoir Nanopore Oxford et Illumina, tout en conservant les équipements de première génération comme le Sanger. L’ensemble de ces dispositifs est intégré à la plateforme de biologie moléculaire de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire.
Concernant le personnel, nous disposons de techniciens de recherche, d’ingénieurs, de jeunes doctorants et de chercheurs juniors qui s’engagent dans l’application de ces techniques de séquençage pour leurs mémoires et travaux de recherche. Ces individus s’approprient ces outils et se forment afin de garantir que la plateforme reste au cœur des formations futures. Il est essentiel d’actualiser les compétences des techniciens et des jeunes impliqués dans le séquençage. La formation continuera tant qu’il y aura des personnes formées et des équipements fournis à travers divers projets et subventions en Côte d’Ivoire.
4- Quel est le rôle central de la plateforme de biologie moléculaire au sein de l’IPCI ? Pourriez-vous évaluer les points forts et les points faibles de cette plateforme en matière de génomique moléculaire ?
La plateforme de biologie moléculaire constitue un laboratoire transversal qui soutient les équipes de recherche ainsi que les autres laboratoires de l’IPCI dont les travaux impliquent la biologie moléculaire. Notre équipe est équipée des outils technologiques nécessaires pour la biologie moléculaire, et nous sommes au service de l’Institut Pasteur et de toutes les unités ayant des projets relatifs à cette discipline.
Notre mandat consiste à accompagner la recherche dans notre domaine, à former des professionnels et à soutenir la surveillance épidémiologique grâce aux divers tests biologiques que nous proposons. Par exemple, la plateforme de biologie moléculaire est essentielle pour les diagnostics biologiques à l’IPCI, incluant des analyses telles que la PCR IST, la charge virale du VIH, la PCR pour les maladies tropicales négligées, l’ulcère de Buruli, la lèpre, le pian, et la leishmaniose cutanée, parmi une longue liste d’autres diagnostics. Nous contribuons ainsi à la surveillance nationale par le biais de diagnostics moléculaires, en collaboration avec d’autres unités nécessitant notre expertise en biologie moléculaire.
En outre, nous sommes également des chercheurs, avec des projets internes visant à évaluer des tests moléculaires et PCR, ainsi qu’à accompagner des initiatives internationales. Notre plateforme agit donc comme une équipe de recherche, de soutien à la surveillance et de formation.
En ce qui concerne nos forces, nous disposons d’une équipe engagée, compétente et bien formée, qui collabore efficacement avec d’autres laboratoires. Nous sommes également des leaders en matière de formation et de mutualisation, partageant nos ressources en biologie moléculaire avec d’autres unités. De plus, nous faisons partie de plusieurs projets internationaux.
En revanche, l’une de nos principales faiblesses en matière de génomique réside dans le manque de financements adéquats, ce qui limite notre capacité à mener des projets d’application de haut niveau, tels que le développement de vaccins et d’autres enjeux internationaux.
5- Quelles sont vos attentes et vos aspirations pour cette nouvelle génération de chercheurs souhaitant s’investir dans le domaine de la recherche moléculaire ?
Nous travaillons pour la jeunesse, et mes attentes envers elles sont claires : j’aspire à leur transmettre notre savoir et à cultiver en eux un esprit de curiosité scientifique, une véritable soif pour les nouvelles technologies. Ces innovations nécessitent des individus passionnés et engagés. J’attends d’eux qu’ils suivent l’évolution scientifique à l’échelle internationale, qu’ils s’approprient les connaissances universelles et qu’ils soient prêts à prendre leur place dans le futur.
Nous œuvrons pour leur avenir. Louis Pasteur a dit : « La science est le patrimoine de l’humanité ». Étant donné que l’humanité est en constante évolution, il est essentiel que les jeunes prennent leur place et s’approprient les technologies de leur génération. C’est leur devoir.
6- Pour conclure cet entretien, aimeriez-vous partager vos réflexions finales ?
Je tiens à exprimer ma gratitude envers la direction de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, qui a su établir une vision pour la biologie moléculaire avant même mon arrivée dans cet institut. J’ai trouvé une vision dynamique que je continue à nourrir et à développer. Je remercie sincèrement tous ceux qui ont contribué à l’essor de la biologie moléculaire à l’Institut Pasteur, afin de répondre aux défis tant nationaux qu’internationaux. Face à la pandémie, nous avons démontré notre capacité d’adaptation grâce à la formation de notre personnel, à nos technologies avancées et à notre vision tournée vers l’avenir.
Je souhaite également adresser mes remerciements au Prof. Mireille DOSSO , directeur de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, à mon chef de département Technique et Technologie , Dr AOUSSI Serge, ainsi qu’à toute mon équipe, sans oublier ces jeunes qui, depuis 14 ans, m’accompagnent dans l’effort de renforcer la biologie moléculaire en Côte d’Ivoire et d’œuvrer pour l’excellence scientifique de notre pays.
Cet entretien a été réalisé par Edmond Kouassi, point focal communication de l’IPCI.